Il faut que je le dise : j’aime recevoir des fleurs – mais cela me pose tout une série de problèmes, et par seulement immédiats.
Premièrement, lorsque je les reçois, l’attention engloutissante de la personne qui me les offre me bouleverse – là, je m’empêche de penser à lorsqu’il s’agit de mes enfants, de peur de ne pas pouvoir terminer l’écriture de ce billet. Elle m’émeut presque chaque fois aux larmes, que je m’efforce de retenir pour éviter une mauvaise interprétation de mes émotions. Encore pire : de devoir les justifier. Evidemment, c’est bien l’objectif d’offrir des fleurs, mais tout de même, c’est une mini-épreuve pour moi.
Puis je me laisse envahir par la beauté pure de ces couleurs, textures et parfums et profite de cette petite parenthèse qui justifie ma première phrase – j’aime recevoir des fleurs.
Mais soudain, immanquablement, je pense à ces plantes déracinées, arrachées à leur sol natal pour notre simple plaisir ; je pense à leur potentiel coupé net, à leur force de vie que l’on a avortée pour notre petit bonheur ; peut-être que c’est leur destin ou même leur raison d’être, et peut-être que tout cela est justifié d’un certain point de vue – je parviens à m’en convaincre du moins, petit à petit, durant le cours de notre cohabitation de quelques jours, ou semaines.
Jusqu’à l’heure fatidique où je dois m’y résoudre – le moment de les jeter ; à chaque fois je subis un mini-deuil, que je repousse d’ailleurs bien au-delà de la décence, bien au-delà de la dignité de ces pauvres plantes que j’ai laissé sécher et/ou moisir tellement je redoute le moment de devoir les sortir de leur vase, puis les plier en deux (j’ai le sentiment de casser de petits os délicats) pour enfin les jeter honteusement dans la boîte de compost en plastique vert et son odeur immonde – la déchéance ultime, la trahison ; quand vient ce moment, je remets systématiquement en question la validité de ce petit bonheur si banal, si anodin pour la plupart, mais qui me remue franchement les tripes et déclenche en moi une tirade interne sur l’arrogance humaine.
Une fois je parlerai peut-être des sapins de Noël.